LES BOURGEOIS DE CALAIS, Rodin (1880 - 1895)

Rodin, la voix de l’histoire

En 1880, Omer Dewavrin, maire de Calais, relance un ancien projet d’élever un monument à la gloire de d’Eustache de Saint-Pierre, héros de la ville. Rodin est sollicité pour cette commande. En lisant Chroniques de Froissart, l’artiste découvre qu’il n’y a pas un mais plusieurs héros. Il décide de représenter les six bourgeois de Calais. La première maquette séduit le comité calaisien mais pas la seconde présentée en 1885. Le comité espérait un groupe plus déterminé, moins empreint de découragement : « ce n’est pas ainsi que nous nous représentions nos glorieux concitoyens… ». Rodin lui demeure enthousiaste : « L’idée me semble originale, au point de vue de l’architecture et de la sculpture. Du reste, c’est le sujet lui-même qu’il l’est et qui impose une conception héroïque, et l’ensemble des six figures se sacrifiant a une expression et une émotion communicatives. Le piédestal est triomphal pour porter non un quadrige mais le patriotisme humain, l’abnégation, la vertu. Eustache de Saint-Pierre, seul, par son mouvement digne, détermine et entraîne ses parents et amis. » Soutenu par Dewavrin, Rodin poursuit son travail malgré les demandes de modifications faites par le comité.


Rappel des faits historiques : Calais face aux anglais

En 1347, en pleine Guerre de Cent Ans, Philippe VI abandonne la ville de Calais laissant ses habitants à la merci des anglais. Le siège de la ville dure un an. Le roi Edouard VII d’Angleterre accepte de lever le siège à condition que six nobles calaisiens, pieds nus, têtes découvertes et corde au cou lui donnent les clés de la ville avant d’être exécutés. Parmi les « bourgeois » qui prirent le chemin du camp anglais, se trouvent Eustache de Saint-Pierre, Pierre d’Andrieu et Jean d’Aire. Finalement, la reine obtient de son époux la grâce de ces hommes.

Le groupe sculpté

« Il tourna toute son attention vers l’instant du départ. […] Six hommes […] dont aucun ne ressemblait à l’autre ; deux frères seulement étaient parmi eux… Il créa le vieil homme aux bras pendants qui sont amollis dans les articulations ; et il lui donna le pas lourd et traînant, le pas usé des vieillards, et une expression de fatigue qui coule par-dessus son visage jusque dans la barbe. Il créa l’homme qui porte la clef. En lui il y a encore de la vie pour beaucoup d’années, et tout cela comprimé dans sa soudaine dernière heure. Ses lèvres sont serrées, ses mains mordent la clef. […] Il créa l’homme qui tient à deux mains sa tête baissée, comme pour se recueillir, pour être encore un instant seul. Il créa les deux frères dont l’un regarde encore en arrière, tandis que l’autre baisse la tête en un geste de résolution et de soumission comme s’il la tendait déjà au bourreau. […] Cette figure érigée seule dans un vieux jardin ombragé, pourrait être un monument pour tous ceux qui sont morts trop tôt. Et c’est ainsi que Rodin a donné une vie à chacun de ces hommes, dans le dernier geste de leur vie. » Rainer Maria Rilke

Rodin modèle séparément les six personnages. Il les réalise d’un seul tenant, indépendants les uns des autres. Suivant la méthode académique, il les façonne nus avant de les vêtir : « J’ai l’habitude de faire d’abord sans vêtement mes enfants de pierre ».
La composition originale de Rodin est un groupe compact. Sa représentation des bourgeois tels des mendiants accentue le tragique de la situation. Chacun des bourgeois marche à son propre rythme vers son destin. La construction n’est pas en pyramide et aucun piédestal n’était prévu : pour être impressionnant l’œuvre sculptée doit être installée à même le sol, de manière à mieux pénétrer « dans l’aspect de la misère et du sacrifice du drame ».
Rodin exprime tour à tour la douleur, l’angoisse, la fatalité, le tout empreint d’une grande tristesse héritée de la Porte de l’Enfer.
C’est principalement à travers les mains que Rodin exprime l’émotion de chaque personnage. Il traite cette partie du corps comme une œuvre autonome et non comme une partie d’un tout. Même si Rodin a toujours travaillé d’après nature, certaines mains semblent maladives, leur position dépasse la capacité du geste normal. C’est cette exagération du mouvement ou cette atrophie qui fait paraître la main si vivante et naturelle.

Finalisation de l’œuvre

En 1889, la Galerie Georges Petit expose Monet et Rodin. Mirbeau écrit : « Ce sont eux qui, dans ce siècle, incarnent le plus glorieusement et le plus définitivement ces deux arts, la sculpture et la peinture ». Impressionné par l’accueil du public pour le groupe des Bourgeois exposé, le comité calaisien relance une souscription en 1893 pour la composition du monument. Mais, il faut attendre une subvention du ministère des Beaux-Arts pour que Rodin puisse demander l’exécution des six figures en un seul bloc.
Le 3 juin 1895, le monument est inauguré. Rodin est malgré tout déçu car le groupe est fixé sur un piédestal contrairement à ce qu’il souhaitait. Il faudra attendre près de cinquante ans pour que l’artiste soit entendu et que le groupe sculpté soit installé devant l’Hôtel de ville de Calais, fixé à même le sol.

Objectifs pédagogiques

Pour les lycéens, le Bulletin Officiel propose d’aborder L’art et la commémoration au sein de la thématique « Arts, mémoires, témoignages, engagements ». Pour les collégiens, élèves de 4ème, l’étude des Bourgeois de Calais peut s’inscrire dans la thématique 
« Arts, Etats et pouvoir », l’œuvre d’art et la mémoire.

Ce que les élèves doivent voir (à partir de leurs observations et de vos questions !)

Six hommes sculptés ; corde au cou/nu-tête/pieds nus ; clés ; expressivité ; mouvement des corps/figures ; sentiments d’accablement, de désespoir, transmis par la gestuelle, l’expression des corps et des visages ; humiliation ; dignité (résignation ?) de l’homme portant les clés; sculpture en bronze.

Ce qu’ils doivent retenir en quelques mots-clés

Episode de la Guerre de cent ans ; commande publique ; commémoration ; groupe sculpté ; expressivité/gestuelle de la sculpture de Rodin.

Pour prolonger la séance…

Les monuments commémoratifs sculptés en France : monuments aux morts, groupes sculptés ou statues en référence à des événements historiques, … comme l’Arc de triomphe de Paris élevé à la gloire des héros de l’armée napoléonienne.

7 commentaires:

  1. c cool car j'ai appris beaucoup de choses grâce a ce site

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  2. Dans la partie "le groupe sculpté" il manque un personnage, j'en ai compté que 5...

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    1. Eustache de saint pierre,Jaques et pierre de wissant,jeande fiennes andrieu d'andres et jean d'aire

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  3. C'est un site intéressant qui m'a bien servi !

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  4. qui peut me dire comment faire pour trouver des information sur les bourgeois de calais

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  5. Vraiment appris beaucoup de trucs pour l'HDA 3e !

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